« Non, il n'y a pas de droit des nations dites supérieures contre les nations dites inférieures [...]. Mais n'essayons pas de revêtir la violence du nom hypocrite de civilisation. La conquête que vous préconisez, c'est l'abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires pour s'approprier l'homme, le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du civilisateur. »

1794 : Première abolition de l'esclavage.

1804 : Indépendance haïtienne.

1811 : Le premier Empire colonial est réduit à zéro.

1848 : Seconde abolition de l'esclavage, définitive.

1941 : Indépendance de la Syrie, retrait français en 1946.

1943 : Indépendance du Liban, retrait français en 1946.

1944 : Conférence de Brazzaville.

1946 : Fin de l'Empire, création de l'Union française par la constitution de la IV^e République, fondation du Rassemblement démocratique africain. Départementalisation des vieilles colonies.

1949 : Autonomie du Cambodge, du Laos et du Vietnam.

1953 : Indépendance du Cambodge et du Laos, retrait français en 1955.

1954 : Fin de la guerre d'Indochine, indépendance du Vietnam. Cession des comptoirs à l'Union indienne.

1956 : Indépendance du Maroc et de la Tunisie, autonomie du Togo et du Gabon.

1958 : L'Union française est remplacée par la Communauté dans la constitution de la V^e République. Indépendance de la Guinée. Autonomie du Bénin (Dahomey), Cameroun, Centrafrique, Congo, Côte d'Ivoire, Burkina (Haute-Volta), Madagascar, Mali (République soudanaise), Mauritanie, Niger, et Sénégal

1959 : La République soudanaise et le Sénégal forment la Fédération malienne.

1960 : Indépendance du Bénin (Dahomey), Cameroun, Centrafrique, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Burkina (Haute-Volta), Madagascar, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad, et Togo.

1962 : Fin de la guerre d'Algérie, indépendance.

1975 : Indépendance des Comores (l'île de Mayotte reste dans la République française).

1977 : Indépendance de Djibouti (Territoire des Afars et des Issas).

1978 : Indépendance du Vanuatu (Nouvelles-Hébrides).

Laissons donc la plume à Paul Leroy-Beaulieu qui, dans sa préface à la 2^e édition de « De la colonisation chez les peuples modernes » en mai 1882, résume ainsi :

« Depuis deux siècles, la politique française a perdu sa voie. Après avoir, vers la fin du XVII^e siècle, conquis en Europe des frontières solides, la tâche qui lui incombait, c'était de mettre en valeur les immenses territoires que nous occupions dans les deux mondes, le Canada, les rives du Mississippi, la Louisiane, les Indes. »

« La politique continentale a prévalu : elle a duré deux cents ans, a laissé notre pays diminué en prestige, rapetissé en territoire. Nos colonies ont été la rançon de nos échecs continentaux ; nous les avons abandonnés avec une insouciance de prodigue... La Louisiane vendue pour quelques millions ; Saint-Domingue, la perle des Antilles, nous échappant pour retomber dans une demi-barbarie ; notre immense empire des Indes se réduisant à cinq comptoirs, ce sont des catastrophes que nos historiens mentionnent à peine ; il semble que pour eux ce soient des faits secondaires et de médiocre portée. »...

Sur les quelques reliefs du premier Empire colonial (Antilles, Guyane, établissements des Indes et du Sénégal) qui furent finalement récupérés par voie diplomatique, tout restait à faire pour qui souhaitait restaurer le rang impérial de la France et la puissance navale nécessaire à sa conservation. La conquête de l'Algérie en 1830 fournit la première pierre du nouvel édifice impérial élevé en un siècle par la France, constituant le deuxième empire colonial du monde après l'Empire britannique (lui-même construit substantiellement sur les reliefs du premier Empire colonial français), devenu depuis un réel allié.

Lorsque le président égyptien Nasser nationalisa le canal de Suez en 1956, la France et la Grande-Bretagne (toutes deux déjà fortement ébranlées en Indochine et aux Indes) réagirent immédiatement et envoyèrent des forces expéditionnaires afin de protéger leurs intérêts impériaux communs. Malgré un succès à portée de la main, Français et Britanniques durent se retirer rapidement, sous la pression conjointe des États-unis et de l'Union soviétique. Le message était clair : les puissances d'hier devaient passer la main et céder désormais devant les superpuissances de l'ère atomique.

Le processus, plus ou moins violent, de décolonisation commencé à l'issue de la Seconde Guerre mondiale se termina par la fin de la guerre d'Algérie en 1962. Les principes démocratique et égalitaire de l'idéal français avaient joué contre ses prétentions impériales, en toute logique et en toute légitimité. Chaque nation démocratique et impérialiste, comme la Grande-Bretagne, les Pays-Bas ou la Belgique (ou encore le Portugal, bien qu'autoritaire à cette époque), connut de même la fin de son empire, en raison notamment de l'inévitable confrontation à ce paradoxe.